Les universités québécoises s’intéressent de plus en plus à l’étude du monde arabe. Le boom observé après le 11 septembre 2001 n’est pas retombé. Même les enfants ils sont plus de 1000 apprennent l’arabe à l’école publique, après les heures de classe. Il était temps qu’on se consacre à l’arabe, parlé par plus de 200 millions de personnes dans le monde, soulignent les spécialistes.
Les cours d’arabe connaissent une popularité sans précédent dans les universités québécoises. Depuis le 11 septembre 2001, les inscriptions ont doublé même triplé dans certaines facultés et de nouveaux programmes ont été mis sur pied. «Il y a vraiment un boom, qui n’est pas retombé», dit Malika Ech-Chadli, maître de langue à l’UQAM.
Au moins six universités québécoises dont les quatre montréalaises offrent désormais des cours d’arabe. McGill travaille même à la mise sur pied d’un programme de traduction arabe pour l’an prochain. «Il y a un besoin très clair en Amérique du Nord pour une telle formation», indique James Archibald, responsable de la traduction à McGill.
Depuis cinq ans, une quarantaine de postes de professeurs ont été créés dans les universités canadiennes pour l’étude du Proche-Orient, selon le comité canadien de la Middle East Studies Association of North America (CANMES). Du jamais vu. Cela s’explique par la hausse de l’immigration provenant du monde arabe, les débats entourant la place de la religion dans la société canadienne et l’intérêt voire l’anxiété suscité par l’islam, selon ce comité.
«Mon poste est typiquement l’une de ces embauches de l’après-11 septembre, indique Stefan Winter, professeur d’histoire du Proche-Orient et du Maghreb à l’UQAM depuis deux ans. Dans notre secteur, l’instabilité au Proche-Orient assure la stabilité d’emploi!»
Ce sont en majorité des Québécois sans ascendance arabe francophones ou anglophones qui se présentent aux cours de langue. Sauf à Concordia, où 50 % sont des jeunes originaires du monde arabe, désireux de renouer avec leurs racines. «L’intérêt pour l’arabe peut être personnel parce qu’on a des amis ou un chum arabe ou encore professionnel, dit Walid El Khachab, nouveau professeur au département des langues modernes de Concordia. Plusieurs veulent faire carrière en relations internationales, ils pensent à la diplomatie, à la coopération. D’autres veulent travailler dans les pays du Golfe, être compétitifs et plus intégrés dans ces sociétés. Il y a aussi toujours des gens qui travaillent pour la police, l’armée ou la Défense nationale.»
Aucun cours d’arabe à Concordia avant 2004
À l’Université de Montréal, l’intérêt pour les cours d’arabe «se chiffre de façon très claire depuis septembre 2001», précise Angela Steinmetz, directrice de l’enseignement des langues et cultures étrangères. Le nombre d’étudiants a triplé, passant d’une soixantaine à plus de 200 par an. L’UQAM, qui a donné son premier cours de langue arabe en 1997, en offre aujourd’hui cinq par trimestre.
À McGill, le réputé Institut d’études islamiques existe depuis 1952. Le nombre de cours d’arabe a été augmenté cette année, «mais il y a toujours une liste d’attente, précise Kirsty McKinnon, coordonnatrice des affaires étudiantes à l’Institut. C’est très, très populaire».
C’était plus compliqué à Concordia. Bien que le quart des étudiants de cette université soient originaires du Proche-Orient, selon M. El Khachab, aucun programme n’était consacré à la région jusqu’en 2004. «Quand il y a eu l’incident Netanyahou, en 2002, les dirigeants se sont rendu compte qu’il y avait là un problème ou un paradoxe», indique le professeur de langues. Deux ans plus tard, un programme d’études arabes 60 % cours de langue, 40 % cours de culture était né. Depuis, les inscriptions croissent de 30 % par an. Il reste que la survie du programme est menacée, en raison d’un financement limité.
Retard par rapport aux Américains
Tout n’est pas rose. Trop axé sur les cours généraux, notre système d’éducation ne permet pas l’étude du Proche-Orient avant la fin du baccalauréat, déplore Stefan Winter. «Il est souvent trop tard pour commencer à apprendre une langue ou organiser un séjour à l’étranger», souligne-t-il. Par rapport aux États-Unis, à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne, le Canada accuse un grand retard dans l’enseignement des langues de cette région, confirme CANMES.
Il reste que les intervenants saluent les initiatives actuelles. «Il y avait un manque, parce que la culture arabe est liée à une civilisation extrêmement importante, souligne M. El Khachab. Près d’un quart de l’humanité est musulmane. Ce ne serait pas normal qu’un pays comme le Canada n’ait pas des institutions qui développent une expertise en arabe.»