De l’instrumentalisation de la justice britannique par les islamistes tunisiens

Rached Ghannouchi (à gauche) et Mohamed Ali Harrath se sont livrés à des procès en diffamation fort lucratifs au Royaume Uni, cherchant à faire taire ceux qui exposaient leur idéologie islamiste.

Selon le célèbre écrivain russe Léon Tolstoï, qualifier un voleur de voleur ne serait que la constatation d’un fait, et non une insulte. On aurait pu croire qu’il en serait logiquement de même pour un terroriste, mais ce n’est pas l’avis de la justice britannique. C’est ainsi que s’est déroulé une étrange histoire, commençant par un terroriste tunisien, passant ensuite par les tribunaux londoniens, avant de continuer sa folle course cette année en atteignant les plus hautes sphères du pouvoir politique américain: le Congrès des Etats-Unis.

Le terroriste en question n’est autre que Mohamed Ali Harrath, ancien secrétaire général et membre fondateur du Front Islamique Tunisien, aujourd’hui magnat de télévision et mécène du parti islamiste Ennahdha. En 2018, il aurait reçu 15 millions de dollars de la Qatar National Bank pour soutenir les visées électorales du parti islamiste tunisien.

Un «malheureux en exil»... inculpé pour terrorisme

Harrath avait été condamné à 56 ans de prison pour ses activités terroristes sous le règne de Ben Ali. Il arriva au Royaume Uni en 1995 et le statut de réfugié lui fut accordé. Londres ne devait pas lui être trop dépaysant puisque la capitale anglaise était devenue la deuxième maison des islamistes tunisiens en exil, tel le bien connu Rached Ghannouchi, fondateur d’Ennahdha. Ces islamistes trouvèrent là-bas un terreau d’où ils purent manigancer un retour triomphant en Tunisie.

Harrath, après avoir dirigé une organisation terroriste, se réinventa à Londres où il devint le fondateur d’une chaîne télévisée, The Islam Channel, laquelle comprenait plusieurs membres du groupe islamiste radical Hizbut Tahrir. Quand son passé, et présent, de terroriste en cavale le rattrapait, il pouvait compter sur l’aide de journalistes à la fibre sensible pour décrier l’acharnement dont certains faisaient preuve à l’égard d’un «malheureux en exil». Ces derniers n’étaient pas dupes et parmi eux figurait le rédacteur anti-islamiste Sam Westrop qui, en 2013, publia un article où, en passant, il mentionna que Harrath avait été inculpé pour terrorisme: une description on ne peut plus factuelle, n’est ce pas?

Sauf que, le Royaume Uni étant régi par des lois assez mystérieuses pour les non-initiés, ce fut Westrop qui se retrouva face à la justice quand Harrath porta plainte pour diffamation.

Pour tout observateur ne se spécialisant pas dans la sibylline logique juridique britannique, l’affaire devait sembler pliée. Après tout, aucun doute ne planait ni sur les liens irréfutables entre Harrath et le FIT, ni sur la condamnation de Harrath pour terrorisme.

Mais Harrath n’était plus officiellement un terroriste en Tunisie. En effet, peu de temps après la révolution tunisienne, le gouvernement de transition décréta l’amnistie générale. Il est vrai que sous le régime de Ben Ali, plus d’un prisonnier devait avoir été incarcéré pour des raisons tenant plus à une dissidence réelle ou perçue qu’à cause du danger qu’il représentait pour la société. Mais Harrath était-il vraiment de ceux-là? Rappelons que le FIT, souvent considéré comme la branche armée d’Ennahdha, est soupçonné d’avoir tué quatre policiers et sept militaires. La même amnistie générale permit au terroriste Abou Iyadh de retrouver la liberté, qu’il employa à fonder uneorganisation proche et tenue pour responsable de plusieurs attentats.

La justice britannique lave plus blanc

Néanmoins pour la justice britannique, les faits accablant Harrath n’étaient plus, car la fameuse amnistie faisait fonction, si l’on peut dire, d’un tambour dans lequel on aurait introduit un Harrath sali par ses activités terroriste pour le retirer après, innocent et blanc comme neige.

Le juge se décida en faveur de Harrath et ordonna à Westrop de verser 140,000 livres pour le dédommager. Notons d’ailleurs que Harrath avait choisi sa cible avec précautions. Westrop n’était pas le premier à avoir attiré l’attention sur le passé pour le moins trouble de Harrath. Mais effectivement, le rédacteur était dépourvu de l’influence et des moyens financiers que peuvent plus facilement déployer les grands quotidiens. Harrath ne se priva donc pas de sauter sur l’occasion pour se refaire une réputation.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais cette année, de nouveaux protagonistes non moins suspects ont fait leur apparition.

En effet, Westrop s’était entretemps installé aux Etats-Unis où il poursuit son combat contre l’islamisme. Cela devait forcément déplaire aux premiers concernés. C’est ainsi qu’une association caritative, liée à des groupes terroristes sud-asiatiques, a commencé à distribuer un rapport aux membres du Congrès des Etats-Unis dans le but de discréditer Westrop qui se penchait de trop près sur leurs douteuses activités. Le rapport fait état de la victoire juridique de Harrath et accuse donc le rédacteur d’avoir déjà accusé un individu de terrorisme, à tort.

Prenons un instant pour examiner cette association caritative. La Helping Hand for Relief and Development (HHRD) est une organisation «sœur» d’un groupe lié au mouvement islamiste pakistanais, Jamaat-e-Islami. Leur maître à penser, Abul Ala Mawdudi, a influencé le fameux Sayyid Qutb, lui-même idéologue bien connu des Frères Musulmans.

Westrop avait découvert que cette HHRD avait sponsorisé des événements aux côtés de Lashkar-e-Taiba, organisation terroriste responsable des attentats de Mumbai, dans lesquels plus de 150 personnes ont été tuées. De plus, HHRD collabore régulièrement avec Al-Khidmat, association caritative de la même Jamaat-e-Islami et qui est soupçonnée de financer l’organisation terroriste Hizbul Mujahideen.

La HHRD espère sûrement échapper à d’hypothétiques sanctions en s’appuyant sur la décision en faveur de Harrath. Comme le font souvent ceux qui connaissent la précarité de leur position, la HHRD ne cherche pas à débattre sur le terrain des faits mais plutôt à museler ses adversaires en brandissant les décisions de justice du Royaume Uni.

Les lois britanniques se prêtent aux desiderata des islamistes

Selon des experts des arcanes juridiques du financement du terrorisme, les lois britanniques se prêtent particulièrement bien aux desiderata des islamistes souhaitant limiter la circulation d’informations ayant trait a l’islam radical.

L’homme d’affaires saoudien Khalid bin Mahfouz excelle dans ce domaine, portant régulièrement plainte contre auteurs et éditeurs, Américains inclus, dès qu’ils évoquent ses liens ave le terrorisme. La maison d’édition, Cambridge University Press, a accepté de détruire les copies d’un livre le mentionnant – capitulant face à la plainte d’un bin Mahfouz s’époumonant qu’il n’avait pas financé le terrorisme en toute connaissance de cause (et non qu’il ne l’avait pas financé du tout). Selon l’ex-membre de la Chambre des Représentants des Etats-Unis, Frank Wolf, cette décision s’apparente à un autodafé de livres.

Au Royaume Uni, le ridicule... enrichit

Pas plus tard que cette année, c’était au tour de Rached Ghannouchi de recevoir la somme rondelette de 45.000 livres, et la prise en charge de ses frais d’avocat, du site d’informations Middle East Online après la publication, sur ce dernier, d’un article en arabe où il était question de financements qataris reçu par Ennahdha. L’auteur du texte avait également écrit que le soutien du parti pour la démocratie n’était que feinte et, qu’en réalité, il encourageait le terrorisme en Tunisie et à l’étranger. Les dizaines de milliers de livres devaient dédommager Ghannouchi de cette ignominie et le consoler de la «détresse» et de l’humiliation subies.

En 2013, la BBC avait été obligé de présenter ses excuses à Ghannouchi et de lui verser une somme conséquente, ainsi que régler ses frais d’avocats, pour avoir, en s’appuyant sur la fameuse vidéo de 2012 où il s’acoquine avec les salafistes, osé suggérer que Ghannouchi cautionnait les attaques de ces derniers contre l’ambassade et l’école américaines à Tunis.

En 2007 déjà, le fondateur d’Ennahdha sortait victorieux d’une affaire l’opposant à la chaîne télévisée Al Arabiya. Cette dernière l’avait qualifié d’islamiste extrémiste lié à Al-Qaida, qui méritait d’être mis a la porte du Royaume Uni. Les avocats de Ghannouchi avaient, eux, plaidé qu’il s’était toujours opposé à la violence et au terrorisme sous toutes leurs formes tout le long de sa vie, et qu’il avait été persécuté en raison de ses convictions en faveur d’un changement démocratique et pacifique au sein de sociétés islamiques. Il faut croire qu’au Royaume Uni, non seulement le ridicule ne tue pas mais il enrichit. La chaîne Al Arabiya n’ayant ni présenté ses excuses à Ghannouchi ni corrigé ses déclarations, elle avait étécondamnée à lui verser la somme de £165,00. Occupation lucrative que d’être un islamiste au Royaume Uni.

Comme le démontre ce récit, les islamistes n’hésitent ni à exploiter les failles des lois au Royaume Uni ni à employer des tactiques malhonnêtes aux Etats-Unis afin de dissimuler leur véritable idéologie tout en mûrissant leurs desseins. Il appartient aux yeux avertis des anti-islamistes de tous pays confondus de les en empêcher en étalant au grand jour leurs stratagèmes.

Martha Lee est chercheuse à l’Islamist Watch, un projet du Middle East Forum. Clifford Smith est directeur du Washington Project du Middle East Forum.

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I recently witnessed something I haven’t seen in a long time. On Friday, August 16, 2024, a group of pro-Hamas activists packed up their signs and went home in the face of spirited and non-violent opposition from a coalition of pro-American Iranians and American Jews. The last time I saw anything like that happen was in 2006 or 2007, when I led a crowd of Israel supporters in chants in order to silence a heckler standing on the sidewalk near the town common in Amherst, Massachusetts. The ridicule was enough to prompt him and his fellow anti-Israel activists to walk away, as we cheered their departure. It was glorious.